Si il y a bien une expression indissociable de la pratique du piano, c’est : »faire ses gammes« . Dans l’imaginaire collectif, quelqu’un qui travaille son piano afin de progresser, c’est quelqu’un qui travaille ses gammes sans relâche. Or, cela n’est pas vrai et surtout trop réducteur. On peut tout à fait apprendre et progresser significativement au piano sans passer par la case « gamme ». Je vous assure, il y a tellement d’autres choses à faire pour développer sa dextérité, son aisance au clavier tout en restant motivé et en cultivant le plaisir de jouer.

Cela étant dit, je distingue 4 profils de pianistes amateurs:

Profil n°1

Vous jouez pour le plaisir et le piano est un passe –temps, un moment rien qu’à vous, voire même votre exutoire. Dans ce cas, oubliez les gammes car vous perdrez votre temps, vous gaspillerez votre énergie et vous risquez d’inviter l’ennui au sein de votre pratique musicale. Concentrez-vous plutôt sur le ou les morceaux que vous jouez, en travaillant sur les aspects techniques de l’œuvre. Vous ferez davantage de progrès en faisant cela plutôt qu’en  vous exerçant  à  faire vos gammes. Le piano doit rester un plaisir avant tout.

Profil n°2

Vous jouez du piano et vous êtes plutôt à l’aise. Les morceaux ne vous posent pas vraiment de problèmes et vous aimeriez aller plus loin que de juste jouer. Vous avez  envie de progresser et vous vous dites que vous aimeriez bien développer votre technique pianistique. Alors dans ce cas de figure, travailler les gammes est un excellent point de départ pour acquérir les bases de la virtuosité.

Profil n°3

Vous travaillez déjà des gammes parce que votre professeur.e vous les a montrées  mais vous n’en voyez pas vraiment l’intérêt. Alors lisez cet article, vous serez surpris de ce que cachent les gammes.

Profil n°4

Le piano vous passionne et vous voudriez connaître les secrets d’une technique flamboyante ou du moins les secrets d’un jeu solide et fluide. Les informations qui suivent seront alors pour vous des pépites !

1. Des gammes, pour quoi?

Améliorer sa technique , vraiment ? Quand on s’intéresse à la technique , les gammes sont un sujet incontournable. Il y a les « pro gamme » et les « anti gamme ». Certains vanteront les mérites du travail assidu des gammes quand d’autres dénigreront leur pratique, les rendant responsables en autre des blessures qu’elles engendreraient…

Doit on alors travailler les gammes nécessairement ? Pour ma part tout exercice, tout travail autour de la technique n’est jamais mauvais. Tout dépend de comment vous le faites et de savoir pourquoi vous les travaillez. Le vrai débat à mon sens se situe là : vous devez donner un sens à tout ce que vous jouez, avoir votre objectif en tête et vous donner les moyens d’y parvenir  (= comment travailler). A partir de là, les progrès vont vite se manifester, pour votre plus grande satisfaction et vous jouerez  toujours dans un esprit positif.

Former votre main…

Par quelle gamme débuter ? Naturellement, on commence l’apprentissage des gammes par celle de DO majeur car elle paraît être la plus facile. Pas de touches noires sous la main ça paraît plus facile a priori mais visuellement jouez sur les touches blanches ne vous donne pas de repères et il est donc plus difficile de savoir où on en est, surtout quand on commence à jouer vite.

D’un point de vue physiologique c’est une aberration de vouloir commencer par les touches blanches. Pour la main et les doigts, c’est une position qui devient vite inconfortable, peu efficace et source de crispation. On peut toutefois trouver un intérêt en pratiquant cette tonalité: elle met en exergue toutes les faiblesses de la main. Les doigts «  faibles » ( 4ème et 5ème ) ne sont pas à leur avantage ni les doigts « forts » d’ailleurs…

Test de la position dite de Chopin…

Petite explication : Observez votre main (droite ou gauche) et ses doigts. Le pouce, l’index, le majeur, l’annulaire et l’auriculaire… Comparez entre eux la longueur de chaque doigt. Vous remarquez quelque chose ? La main comporte deux doigts plus courts que les autres : le pouce et l’auriculaire. Les doigts longs sont l’index, le majeur et l’annulaire.
Cela signifie que lorsque vous posez vos doigts sur les touches blanches vous avez à la fois des doigts longs et des doigts courts. Ce n’est clairement pas idéal, pour jouer de façon égale chaque son et aussi de garder une main solide et donc stable.

Quelle serait alors la solution pour jouer les gammes en respectant la physiologie de votre main ?
F.Chopin, qui s’est penché sur les défis techniques à surmonter au piano, propose de privilégiez le jeu sur les touches noires concernant les gammes. Nous allons voir les raisons de cette approche contre- intuitive.

Pour commencer, la position idéale des doigts sur le clavier c’est lorsque ils reposent sur les notes  MI-FA #-SOL#-LA#-DO pour chacune des mains. Ainsi les doigts longs se retrouvent allongés avec une légère courbure et les doigts courts tombent naturellement sur les touches blanches.

Autre avantage : la main ne s’affaisse plus du côté du petit doigt (l’auriculaire) et ce dernier gagne en stabilité. F.Chopin préconise donc de débuter l’étude des gammes par SI majeur car elle comporte toutes les touches noires. Elle est parfaite d’un point de physiologique et facile à mémoriser, grâce aux repères donnés par les touches noires.

2. Souplesse et fluidité

Passage du pouce

C’est une des pierres angulaires de la technique pianistique. En effet, le pouce est un peu un doigt magique, en tous cas des plus utiles, car il va permettre de multiplier les doigts pendant l’exécution de la gamme.
C’est un constat : une main n’a que 5 doigts alors qu’une gamme comporte au minimum 7 notes (DO-RE-MI-FA-SOL-LA-SI) et encore, si on se contente de la jouer sur une seule octave. Imaginez combien de notes il y a à jouer quand on joue sur 4 octaves !

C’est là que le pouce exerce sa magie. Au lieu de jouer les notes DO-RE-MI-FA-SOL, avec  les doigtés 1-2-3-4-5 et de se retrouver à court, on préférera jouer avec les doigtés 1-2-3-1-2-3-4 à la main droite pour la gamme de DO majeur (on est d’accord que j’ai choisi la gamme de DO majeur pour des raisons pédagogiques et qu’il ne faut SURTOUT pas commencer par celle-ci !) . Ce doigté vous permettra de jouer de façon fluide sur l’étendue du clavier. On ne dirait pas comme ça mais vous avez à présent entre les mains une des clés de la virtuosité au piano !!

Rôle des poignets et des avant-bras

Pour jouer en toute fluidité vos gammes, il est important de garder les poignets mobiles et sans aucune tension, afin de garantir le passage du pouce sous la main sans accrocs et donc sans accents inopportuns. Le rôle des poignets est indispensable pour positionner la main correctement sur le clavier. Au moment de passer le pouce sous la main, le poignet se lève légèrement pour permettre au pouce de passer facilement. Puis il revient dans sa position initiale lorsque le pouce à joué. On observe alors , des petits mouvements d’oscillation sur la montée et la descente de la gamme.

A présent, intéressons aux avant-bras car aussi étonnant que cela paraisse, jouer des gammes se fait également avec les bras. Lorsqu’un pianiste joue une gamme rapidement , on constate que ses bras suivent le mouvement de la main. Pour être plus précis , c’est le bras qui initie et entretient le mouvement de la main qui se déplace le long du clavier. On en parle rarement et pourtant c’est une des clés pour un jeu fluide. Il faut donc impérativement que les bras et avant-bras restent détendus.

3. Dextérité et indépendance des doigts

Les doigtés

Jouer des gammes permet d’acquérir des réflexes de doigtés. Par la suite, ce sont les doigtés issus des gammes qui vont permettre de doigter un passage dans un morceau. Lorsque vous jouerez, les doigtés deviendront plus évidents. Donc, faire ses gammes c’est apprendre des doigtés permettant de jouer ensuite avec plus d’aisance. L’intérêt majeur de travailler ses gammes, c’est d’acquérir de bons doigtés que vous retrouverez et pourrez appliquer dans la plupart de vos morceaux.

Indépendance des doigts

Jouer des gammes, c’est mobiliser tous les doigts. Chacun est donc amené à travailler indépendamment des autres. Cela va donc favoriser leur mobilité, les rendant plus agiles et développer leur force. En travaillant simultanément les deux mains, vous apprendrez aussi à rendre vos doigts de la main droite indépendant vis à vis de la main gauche et vice versa. Il est donc important de varier le travail des gammes. Les doigts s’habitueront à jouer dans des configurations différentes développant ainsi leur dextérité.

4. Exercices: Quelques gammes et leurs doigtés associés

Il est temps maintenant de passer à la pratique. Pour cela, je vous propose quelques gammes afin de vous familiariser avec les doigtés.
Malgré toutes les altérations, c’est la gamme la plus facile, celle que Chopin préconisait…

Gamme de Si majeur doigtée

Pour continuer, jouez en MI majeur

Maintenant, plus facile… la même gamme en sens contraire!

Exercez-vous sur ces deux gammes et dites-moi ce que vous en pensez? Est-ce plus confortable pour vos doigts par rapport à celle Do majeur?

Dites moi tout ça dans les commentaires!

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